Définitions succinctes
Focalisation Interne : représentation des événements à travers les yeux d’un des personnages
Focalisation Externe : représentation des événements par un narrateur “témoin”. Les pensées et les sentiments des personnages lui sont inaccessibles. Il ne peut qu’émettre des hypothèses.
Focalisation Zéro : point de vue omniscient. Le narrateur sait tout, voit tout.
De nos jours, de nombreux auteurs espèrent reproduire à l’écrit les expériences immersives qu’ils vivent via les séries TV ou les films. Pourtant, de façon ironique, l’immersion dans un texte écrit se fabrique à l’aide d’outils qui n’existent tout simplement pas au cinéma. Celui dont les écrivains ont besoin dans ce cas s’appelle la focalisation interne. Ce n’est pas la seule façon de raconter une bonne histoire ; les auteurs peuvent, à la place, miser sur une plume vive et intelligente, ou sur la poésie de leur prose. Néanmoins, écrire en focalisation interne est ce qui procure au lecteur le sentiment de « vivre l’histoire », et c’est aussi une technique plus simple à maîtriser.
Malheureusement, « plus simple » ne signifie pas « simple ». Pour la plupart des auteurs, une piqûre de rappel sur le sujet ne fera jamais de mal, alors jetons un coup d’œil sur les raisons et les moyens de plonger dans la tête des personnages.
Toutes les histoires parlent d’un ou de plusieurs protagonistes : des personnages auxquels le lecteur peut plus ou moins s’identifier. Les protagonistes fournissent au lecteur quelqu’un à qui s’attacher et cela augmente grandement les chances qu’il s’intéresse à tout le reste de l’histoire. Les obstacles sont plus poignants lorsqu’ils menacent le protagoniste ; les récompenses sont plus satisfaisantes lorsque le protagoniste en bénéficie personnellement.
Voilà pourquoi, dans la plupart des histoires, la majeure partie de la narration suit un protagoniste. Si la narration est dans une perspective limitée, le personnage de point de vue est – disons dans 80 % des cas – un protagoniste de l’histoire. Exposer le récit du point de vue d’un protagoniste permet au lecteur de créer un lien avec celui-ci. Le lecteur saura de première main ce que le personnage ressent lorsqu’il est attaqué par des assassins ou rejeté par l’amour de sa vie. L’impact de ces événements en devient plus viscéral, plus poignant.
Ainsi, la proximité de la narration détermine la force du point de vue. Une narration distante donne l’impression au lecteur de vivre les scènes comme s’il se trouvait à côté du personnage, comme dans un film. Une focalisation interne offre une expérience qui va au-delà : elle permet au lecteur de vivre les scènes en tant que personnage. Lorsque l’on parle d’immersion, il n’y a pas débat entre focalisation externe et interne. Être un personnage de l’histoire est clairement plus immersif que de regarder le personnage agir de l’extérieur. Et cela donne bien plus de sens à tout le reste du récit.
En conséquence, bien qu’il existe d’excellentes raisons d’user d’un point de vue distant dans certaines histoires, la focalisation interne est le B-A-BA de la plupart des récits de fiction, et quelque chose que la majorité des auteurs devraient apprendre à faire correctement. Néanmoins, bien peu d’entre eux réussissent dès le départ à produire une prose immersive. Cela demande un peu de réflexion et de pratique.
La première chose que la focalisation interne exige de l’auteur et une attention particulière au « paysage intérieur » du personnage. Une narration qui ne se concentre que sur ce qu’il se passe autour du personnage – et jamais sur ce qu’il se passe à l’intérieur de sa tête – tombera à plat. Cela limitera aussi la capacité de l’auteur dans la gestion de son exposition, il privera le lecteur d’informations capitales ou devra les transmettre via les dialogues.
Imaginons que nous sommes au premier chapitre d’une histoire : le protagoniste entre dans une taverne et commande un verre. Soudain, un guerrier antipathique s’approche, brandissant un avis de recherche et déclarant qu’il s’apprête à capturer le protagoniste en échange d’un peu de cash. Le protagoniste s’enfuit de la taverne.
Sans aucune narration interne, le lecteur risque de se poser bien des questions :
Le lecteur a besoin du contexte fourni par les pensées et les sensations. S’il ne comprend pas ce que le personnage ressent et pense, il ne sait pas quoi ressentir ou penser lui-même. Cela limite sacrément l’expérience. Hélas, laisser de côté cette forme de narration interne lors des moments clefs est une erreur très commune, en particulier chez les auteurs novices. J’ai même une fois rédigé la critique d’une nouvelle ne contenant absolument aucune narration interne, et l’histoire est aussi plate et confuse que vous le devinez.
Parfois, dans certaines scènes critiques, certains auteurs le font exprès : ils se disent que s’ils dissimulent au lecteur des informations que le protagoniste connaît, ils pourront s’en servir plus tard comme révélations. Cette astuce est tentante, parce qu’une révélation est toujours marquante et souvent satisfaisante. Hélas, les dommages causés par le fait de dissimuler les pensées du personnage sont bien plus difficiles à cerner.
Une scène tirée de Mars La Rouge de Kim Stanley Robinson offre un bon exemple de cette dynamique. Deux amants, Nadia et Arkady, sont en mission pour installer des moulins à vent à la surface de la planète. L’histoire est contée du point de vue de Nadia. Tandis que le personnage revient d’une sortie pour vérifier l’état d’un moulin, l’autrice cesse d’exposer ses pensées et sentiments. À la place, le lecteur la voit de l’extérieur alors qu’elle rentre à la base et qu’elle apostrophe Arkady avec des phrases du style « Je ne peux pas croire que tu ais fait ça. Pensais-tu donc que j’étais trop stupide pour le remarquer ? ». Stanley Robinson a sans doute procédé ainsi pour tenir le lecteur en haleine au sujet de ce que Nadia a découvert au moulin à vent. J’avoue que la scène n’est pas spécialement déstabilisante. Néanmoins, bien que cette astuce crée un soudain pic de curiosité de la part du lecteur, lorsque celui-ci apprend ce qu’il s’est passé, sa curiosité se dissipe.
Imaginons que Stanley Robinson ait plutôt choisi de coller à son personnage de point de vue. Nadia est récemment tombée amoureuse d’Arkady, et ils vivent une relation passionnelle romantique durant cette mission en binôme. Alors qu’elle réalise une sortie en solitaire, elle découvre qu’ils n’ont pas seulement installé des moulins à vent : ils ont illégalement propagé des microbes artificiels sur toute la planète. Ces microbes ont été implantés dans les moulins à son insu, et en conséquence Arkady est certainement le coupable. Elle se sent trahie, et le lecteur peut le ressentir en même temps qu’elle. La confrontation avec Arkady ne provoque plus de curiosité désormais, mais implique bien plus d’émotion. Une fois qu’Arkady lui jure qu’il n’était pas au courant non plus, d’autres sentiments font surface : la culpabilité de l’avoir soupçonné, ou la crainte qu’il ne lui mente. Cela change le ton de leur relation pour toute la suite du récit.
En dramaturgie, l’émotion est la monnaie la plus précieuse. Elle dure plus longtemps que la surprise ou la tension, et elle crée un lien plus solide entre le lecteur et la suite de l’histoire. En conséquence, dans la plupart des cas, vous n’avez pas intérêt à vous éloigner de votre personnage, même pour mettre en place une révélation cool. Ceci étant dit, il est tout à fait possible de créer des révélations avec des éléments que votre personnage connaît sans rendre la narration distante. Néanmoins, cela nécessite des scènes parfaitement préparées et agencées, dans lesquels le personnage n’aura pas l’occasion de penser aux choses que vous désirez cacher au lecteur. C’est assez délicat à faire, et si c’est raté la scène apparaît forcée, confuse, distante, ou tout ça à la fois.
Donc, maintenant que l’on sait pourquoi nous devrions montrer ce qu’il se passe dans la tête du personnage, comment fait-on cela ? Sans surprise, la clef est de montrer plutôt que raconter. Raconter rend le texte distant et n’apporte pas la même accroche émotionnelle. Cependant, puisque montrer et raconter sont des concepts vagues qui peuvent signifier plusieurs choses, qu’est-ce que cela signifie dans ce contexte précis ?
Évitez de nommer les émotions. Vous ne pouvez pas faire ressentir une émotion au lecteur simplement en la lui nommant. Il a besoin du contexte qui crée l’émotion chez votre personnage.
Raconter : Une vague de honte me submergea.
Montrer : Comment avais-je pu trahir mes amis ainsi ? Mes parents m’avaient éduqué mieux que cela. Ils m’avaient tous fait confiance, et je les avais laissé tomber.
Raconter : Il était toujours furieux qu’Ashley soit partie sans rien lui dire.
Montrer : Seulement deux jours plus tôt, Ashley était partie sans un mot. Elle l’avait simplement rayé de sa vie, l’avait abandonné à ses inquiétudes. Et maintenant elle réclamait son aide ? Elle pouvait toujours courir.
Raconter : Luttant contre sa nervosité, Morgan monta sur l’estrade.
Montrer : Le haut-parleur appela Morgan sur l’estrade. Il s’avança sous les projecteurs, essayant de ne pas regarder vers les zones d’ombre d’où une multitude de visages scrutait ses moindres gestes.
Pour que cela fonctionne, il faut que la scène comporte des éléments assez puissants pour effectivement provoquer l’émotion. Votre tâche d’auteur est d’illustrer ces éléments en détail afin que le lecteur en ressente l’impact. Néanmoins, vous ne pourrez pas créer de montagnes à partir de taupinières : le lecteur doit bel et bien penser que le contenu de la scène est effrayant, révoltant, triste (ou n’importe quelle autre émotion que vous tentez d’exprimer).
Le lecteur devrait être le témoin direct des pensées du personnage. Il devrait le voir raisonner et tirer des conclusions, et non lire un résumé de sa réflexion.
Raconter : C’est alors qu’elle réalisa que le dragon ne voulait pas la dévorer.
Montrer : Cela faisait trop fois que le dragon se nourrissait de moutons au lieu de déguster la prisonnière sans défense qu’elle représentait. Il l’avait sans doute kidnappée dans un autre but que de la manger.
Raconter : Je soulignais la bêtise de nous aventurer dans les bois sans aucune protection, mais je savais bien que nous n’avions pas le choix.
Montrer : La croyance du capitaine selon laquelle les dryades ne nous attaqueraient pas contredisait toutes les rumeurs que nous avions collectées dans les villages alentour. Hélas, forger une armure capable de leur résister prendrait des semaines, et il serait alors trop tard pour sauver le royaume. Nous devions tenter le coup sans plus de protection.
Raconter : Riley se demanda depuis combien de temps l’artefact était enfermé dans ce coffre.
Montrer : Depuis combien de temps cet artefact reposait-il dans ce coffre ?
Raisonner de cette façon est aussi très utile pour dépeindre des conflits internes – quelque chose de capital dans l’arc narratif d’un personnage.
Les gens pensent rarement à ce qu’ils sont en train de voir ou d’entendre ; ils se contentent de voir quelque chose ou de percevoir un son. Ainsi, dans la plupart des cas, il n’y a aucune raison de mentionner le personnage dans la phrase qui décrit la sensation.
Raconter : Ils entendirent un cri dans la forêt.
Montrer : Un cri résonna dans la forêt.
Raconter : Il vit Raven passer la tête par l’encadré de la porte.
Montrer : Raven passa la tête par l’encadré de la porte.
Raconter : Alors que j’entrais dans la pièce, je sentis l’odeur de la cannelle.
Montrer : Des effluves de cannelles m’accueillirent lorsque j’entrais dans la pièce.
Pour toutes ces catégories de Montrer vs Raconter, une astuce pour vous aider peut être de vous demander si vous êtes en train d’écrire au sujet du personnage ou si vous décrivez les choses en tant que personnage. S’il existe bel et bien des situations où on peut vouloir parler du personnage plus que de la sensation, ce doit être un choix conscient de votre part.
Même si ce qui vous intéresse est ce qui se trouve à l’intérieur de la tête du personnage, il est tout à fait possible de le décrire via ses actions, son langage corporel et ses sensations physiques. Cela peut être un excellent complément à la narration. Reprenons mes exemples précédents sur les émotions et complétons-les avec un peu de langage corporel.
Je baissais la tête et fixais l’herbe à mes pieds. Comment avais-je pu trahir mes amis ainsi ? Mes parents m’avaient éduqué mieux que cela. Ils m’avaient tous fait confiance, et je les avais laissé tomber.
Commencer par la description du langage corporel ou de l’action physique est une bonne façon de gérer la transition et de concentrer l’attention du lecteur sur le personnage avant d’exprimer ses pensées.
Seulement deux jours plus tôt, Ashley était partie sans un mot. Elle l’avait simplement rayé de sa vie, l’avait abandonné à ses inquiétudes. Et maintenant elle réclamait son aide ? Elle pouvait toujours courir.
Il quitta la pièce et claqua la porte derrière lui.
Placer l’action à la fin donne l’impression qu’il s’agit du résultat de sa réflexion et de sa prise de décision.
Le haut-parleur appela Morgan sur l’estrade. L’estomac noué, il s’avança sous les projecteurs. Il essaya de ne pas regarder vers les zones d’ombre d’où une multitude de visages scrutait ses moindres gestes.
En particulier avec les sensations internes, il est très important de procéder par touches légères – autrement, le texte sonne vite mélodramatique. Par exemple, regardons ce que ça donne avec deux exemples, le premier tiré de L’Épée de Shannara :
Une soudaine sensation de terreur traversa l’esprit de Flick, le piégeant dans une toile d’acier tandis qu’il essayait de fuir cette effrayante folie qui le pénétrait. Quelque chose semblait vouloir creuser sa poitrine, pressant ses poumons pour les vider de leur air. Il ne pouvait plus respirer.
Dans l’exemple ci-dessus, Flick est juste en train de contempler un monstre volant. Rien ne l’agrippe ni ne compresse sa poitrine ni rien.
Ci-dessous un autre exemple tiré du roman Le Labyrinthe.
Thomas recula dans le coin de la pièce, croisa ses bras sur la poitrine et frissonna, et la peur revint. Il ressentit un inquiétant tremblement dans sa poitrine, comme si son cœur tentait de s’en échapper, de fuir son corps.
Thomas se trouve dans une situation où il a tous les droits d’être effrayé, mais cette description exagérée et mélodramatique au sujet de son cœur n’aide certainement pas le lecteur à partager cette émotion.
Dites « non » à la torture des organes internes.
Le lecteur percevra très vite la narration que vous utilisez, et cela va en quelque sorte paramétrer ses attentes sur ce qu’il s’attend à voir par la suite. Si vous écrivez par accident une phrase dans une autre perspective, ou si vous modifiez la distance narrative trop vite, cela lui semblera discordant. Malheureusement, travailler et réécrire votre texte plusieurs fois peut provoquer quelques trous et bosses sur sa route. Les mauvaises habitudes sont difficiles à perdre, même quand on fait de son mieux.
Écrire avec une narration trop distante n’est pas très efficace, mais c’est toujours mieux qu’une narration complètement discordante. Ainsi, il vaut mieux bien réfléchir sur quels projets vous allez vous entraîner à la focalisation interne. Une nouvelle est un bon format pour commencer à tester vos perspectives, car vous pourrez partir de zéro et passer plus de temps sur moins de mots. Si vous êtes sur le point de terminer un roman, tenter de le reprendre à la lueur de cet article peut être dangereux. J’ai dans mes tiroirs un vieux roman au passé sur lequel j’ai fait l’erreur de vouloir tout mettre au présent. Après neuf versions, j’en suis toujours à essayer de retirer toutes les traces du présent de ce manuscrit !
Pour vous aider à rester cohérent, passons en revue quelques points sur lesquels narration distante et focalisation interne peuvent se percuter avec fracas.
Exemple
Rien à foutre, pensa Jordan. Aucune chance que j’aille avec eux là-bas. Cette forêt le terrifiait depuis qu’il avait aperçu un fantôme entre les arbres lorsqu’il avait huit ans. Depuis, il demeurait obstinément à l’intérieur de la cabane tandis que ses amis partaient en exploration lors d’excitantes excursions.
La chose la plus importante à retenir est que dans une narration distante, les pensées du personnage et le reste de la narration sont deux choses bien distinctes. Nous ne sommes pas dans la tête de Jordan, et Jordan ne nous raconte pas l’histoire. Ses pensées sont un peu comme du dialogue, et nous devons les identifier clairement pour le lecteur. Dans cet exemple, je les ai placées en italique et ai utilisé une incise. Parfois, un seul de ces marquages est suffisant.
En plus du fait que le texte raconte plus qu’il ne montre les sentiments de Jordan, nous sommes clairement à l’extérieur de sa tête : il y a peu de chances qu’il se considère lui-même comme obstiné, ni qu’il pense les excursions de ses amis « excitantes ». Entre Jordan et le lecteur s’intercale un narrateur avec une personnalité propre, même si dans bien des cas ce narrateur reste plutôt neutre.
Exemple
Rien à foutre. Aucune chance que Jordan aille avec eux là-bas. Cette forêt était hantée – il frissonnait encore au souvenir des yeux vides, de l’aura spectrale qui avait failli le happer lorsqu’il était gamin. Si ses amis voulaient risquer leur peau, c’était leur choix. Rester dans la cabane était le sien.
En focalisation interne, les pensées et la narration sont essentiellement la même chose. Les pensées ne sonnent pas comme du dialogue – dans cet exemple, vous remarquerez que la première ligne n’est plus rédigée à la première personne mais à la troisième comme tout le reste. L’italique et l’incise ne sont plus nécessaires.
Ainsi, la peur de Jordan est montrée plutôt que racontée, et tout est décrit de la façon dont Jordan le décrirait. Ses amis ne partent plus en exploration dans de trépidantes aventures : ils risquent leur peau. Vous remarquerez que le ton est aussi moins formel et plus « parlé ». Cela dépend essentiellement du personnage de point de vue, mais – d’une façon générale – un texte en focalisation interne doit avoir la « voix » naturelle du personnage, et la plupart des gens ne parlent pas de façon très formelle.
Exemple
Rien à foutre. Aucune chance que Jordan aille avec eux là-bas. Cette forêt était hantée – il frissonnait encore au souvenir des yeux vides, de l’aura spectrale qui avait failli le happer lorsqu’il était gamin. Depuis, il demeurait obstinément à l’intérieur de la cabane tandis que ses amis partaient en exploration lors d’excitantes excursions.
Dans cet exemple, nous avons un grand écart de narration. L’assertion selon laquelle la forêt est hantée entre en collision avec le caractère supposément obstiné du personnage. Le ton change aussi clairement dans la dernière phrase.
Essayons de corriger ce paragraphe hybride avec un minimum de changements. D’abord, passons-le intégralement en narration distante.
Exemple
« Rien à foutre. Aucune chance que j’aille avec eux là-bas. » Jordan était sûr que cette forêt était hantée – il frissonnait encore au souvenir des yeux vides, de l’aura spectrale qu’il avait entraperçue lorsqu’il était enfant. Depuis, il demeurait obstinément à l’intérieur de la cabane tandis que ses amis partaient en exploration lors d’excitantes excursions.
J’ai mis entre guillemets les pensées du personnage pour les distinguer du reste, et ajouté « Jordan était sûr que » pour clarifier le fait qu’il s’agisse de son opinion à lui, pas de celle du narrateur (même si ici, puisque Jordan est nommé immédiatement après les pensées, cette précision n’est sans doute pas indispensable).
J’ai laissé la partie « montrée » de sa peur ; ce n’est pas choquant par rapport à la distance, même si cela semble plus approprié à de la focalisation interne qu’externe. Néanmoins, j’ai échangé « qui avait failli le happer » par « qu’il avait entraperçue » pour rendre ce souvenir un peu plus neutre, et j’ai remplacé « gamin » par « enfant » pour gommer l’aspect parlé.
Maintenant, passons le paragraphe entier en focalisation interne.
Exemple
Rien à foutre ; aucune chance que Jordan aille avec eux là-bas. Cette forêt était hantée – il frissonnait encore au souvenir des yeux vides, de l’aura spectrale qui avait failli le happer lorsqu’il était gamin. Ses amis pouvaient bien le traiter de tête de bois, il avait bien l’intention de rester à l’intérieur de la cabane pendant leurs soi-disant excitantes aventures.
Vous remarquerez que j’ai retouché la ponctuation de la première phrase. Quand les gens parlent, le rythme et le phrasé peuvent parfois être mieux représentés par un point-virgule. Le point-virgule relie deux phrases ensemble avec une pause qui a une valeur plus proche de la virgule que du point. Néanmoins, le point-virgule ne semble pas naturel du tout dans un dialogue, raison pour laquelle j’avais utilisé le point dans les exemples précédents.
Afin de rendre mon hybride cohérent en focalisation interne, j’ai modifié les références du personnage. La dernière phrase a été modifiée pour mieux coller au point de vue de Jordan : cela sous-entend qu’il reconnaît être obstiné, mais qu’il s’en moque. « Soi-disant » est ajouté pour clarifier le fait que ses amis prétendent que les excursions sont excitantes mais que Jordan ne partage pas cet avis. Ainsi, le ton de la première ligne et de la dernière collent beaucoup mieux.
Il vous arrivera sans doute de viser la focalisation interne sans y parvenir vraiment. Ce n’est pas grave, cela fait partie du processus d’apprentissage. Faites de votre mieux, et lorsque vous serez sur la fin de la réécriture, vous pourrez vous concentrer sur ce sujet afin de rendre votre perspective de narration plus cohérente.